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La télévision - Le téléjournal

La télévision est la première source d'information sur les actualités pour la très grande majorité des gens. Les images, les textes des journalistes, les commentaires du présentateur ou de la présentatrice, l'animation d'une table ronde ou encore un grand reportage contribuent à nous donner l'impression de saisir facilement et rapidement l'essentiel des informations. En vérité, le mode télévisuel est très exigeant et beaucoup plus complexe qu'il n'y paraît.

Aucune émission d'information télévisée n'échappe à la " spectacularisation ", du magazine au débat en passant par le téléjournal, qu'elle soit diffusée en direct ou en différé, enregistrée en extérieur ou en studio. Les nombreux procédés de mise en scène du réel y concourent ainsi à renforcer l'authenticité, le sérieux de l'information tout autant que son attrait et son succès auprès du public téléspectateur.

Le téléjournal peut se regarder comme une dramatique qui se joue sous nos yeux chaque jour. Si le décor et les acteurs, soignés, demeurent pareils à eux-mêmes, le scénario est tous les jours différent…mais construit selon les règles immuables du spectacle où s'entremêlent suspens et émotion.

Tous les téléjournaux ont en commun un certain nombre de traits ou de principes qu'ils affirment plus ou moins nettement. Bien évidemment, ces grands principes varient dans l'histoire de la télévision et leur application connaît des différences de traitement d'une chaîne de télévision à l'autre. Ces principes sont :

  • La délimitation temporelle : Ils ont une durée limitée et régulière qui est généralement quotidiennement la même.

  • Une conception de l'information : Est considéré comme information ce qui constitue une irrégularité, quelque chose qui surprend la trame relativement répétitive de la vie quotidienne. Cette irrégularité peut être d'ordre naturelle comme une catastrophe ou provoquée comme une conférence de presse, une manifestation publique, un fait divers, etc.

  • Une promesse d'exhaustivité : Tout présentateur ou présentatrice du téléjournal prétend informer sur l'ensemble des événements importants de l'actualité qu'une équipe aura préalablement sélectionnée.

  • Une logique de séduction : Le téléjournal doit attirer le plus grand nombre de téléspectatrices et téléspectateurs situés dans le rayon de diffusion du média.

L'organisation du téléjournal

Le téléjournal prétend dire ce qui est vraiment arrivé dans le monde local, régional, national et international. Cela est tellement évident que le présentateur n'a nul besoin de le répéter à chaque émission. La mise en scène, le décor du studio et le générique s'en chargent à sa place.

Le générique
Premières images et premiers sons qui nous sont donnés, le générique est le moment d'ouverture du téléjournal. On y met l'accent sur le monde (par exemple, le globe terrestre) pour nous présenter le téléjournal comme une fenêtre. Les formules varient d'une chaîne à l'autre, on peut y retrouver un montage d'images en succession d'événements significatifs ou un grand titre sur fond de musique qui nous introduit rapidement sur des images illustrant les manchettes du jour puis au studio et au présentateur.

Le studio et le décor
Le décor témoigne lui aussi de cette emphase mise sur le monde et sur l'idée qu'on est là pour servir d'intermédiaire en nous le présentant et en nous l'expliquant. Il veut être une plaque tournante, un point d'intersection symbolique où le croisement des images qu'il diffuse d'un peu partout manifeste que le téléjournal est au cœur de réseaux locaux, régionaux, nationaux et internationaux d'information. Dans plusieurs cas, le décor nous montre la capacité de la chaîne à faire entrer le monde chez nous par une technologie bien au point.

Les titres
Contrairement à la presse écrite, les titres varient considérablement dans leur apparence d'une chaîne à l'autre et d'un présentateur ou présentatrice à l'autre. Dans certains cas l'on retrouvera une énumération de quelques nouvelles en guise de manchettes. Elle annonce, comme un sommaire, les informations qui seront présentées. Dans d'autres cas, le présentateur ou la présentatrice établira d'entrée de jeu une relation avec les téléspectateurs et téléspectatrices sur le mode de la conversation en racontant, interrogeant et commentant même un événement qui fait la manchette ou même la météo du jour.

Lorsqu'ils sont donnés sous forme de sommaire, les titres annoncent rarement l'ordre des sujets à venir. Ils annoncent plutôt les grandes articulations du téléjournal mettant en avant les nouvelles jugées les plus importantes. Ils scandent les temps forts répartis à différents moments.

Le présentateur ou présentatrice
En dehors des titres qui constituent un engagement du présentateur ou de la présentatrice sur le contenu de " son " journal, il ou elle se présente comme le maître du temps de l'émission : celui ou celle qui a le pouvoir de nous mettre en lien (direct !) avec le monde et qui est responsable de l'ordre des sujets. Mais, en réalité, plusieurs voix nous parlent à travers cette personne sans que nous en ayons bien conscience. S'il y a bien sûr la personnalité, la subjectivité, l'empathie, l'implication et le style du présentateur ou de la présentatrice, il y a aussi les personnes qui ont rédigé les textes lus et les propos répercutés comme le mot à mot du texte d'une agence, une rumeur dont il se fait l'écho, etc.

S'il importe de cerner qui s'exprime vraiment à travers le présentateur ou la présentatrice qui parle en lieu et place de nombreuses voix, il importe aussi de connaître le point de vue, la vision du monde qui l'amène à colorer sa lecture, sachant que le langage porte toujours en lui une part de subjectivité. L'expression du visage du présentateur ou de la présentatrice (sourire, optimisme, moue sceptique…) est souvent une indication de l'attitude que le téléspectateur ou la téléspectatrice devrait avoir pour épouser la position du ou de la journaliste par rapport à un événement rapporté dans le téléjournal.

Par exemple, il y a quelques années, le lecteur ou la lectrice de nouvelles se tenait de manière bien droite sur sa chaise, le visage impassible, tenant entre ses mains les feuillets sur lesquels était inscrit le contenu du journal télévisé. C'était le code gestuel prévalant pour donner un ton de neutralité, de solennité et d'objectivité au téléjournal. Aujourd'hui, cela a beaucoup changé. Le présentateur ou la présentatrice des informations se permet de s'exprimer de façon plus ostentatoire; on lui demande d'être plus spectaculaire, " d'humaniser l'information ", de la " vivre " et d'y réagir avec plus ou moins de modération : sourires, mimiques pour appuyer des propos, regards interrogateurs, etc.

Les mots et les images
Bien que les sujets d'information présentés dans le téléjournal soient rattachés à une salle de rédaction de journalistes qui en rédigent les textes ou en font le reportage, la plupart du temps il est difficile de dire précisément qui est l'auteur des images que nous voyons et des mots que nous entendons. Bien souvent parlent à travers ce qui nous est communiqué le texte d'une agence de presse qui est la source de l'information, un bloc d'images toutes montées par une autre agence qui impose un ordre se répercutant sur l'écriture du journaliste qui nous le présente ou encore le service de relations publiques qui communique une nouvelle. Il n'est pas possible alors d'identifier où commence et où finit l'enchevêtrement de " citations " utilisées pour produire l'information qui devient dépourvue des marques qui faciliteraient leur repérage, leur source.

Les images de reportage télévisé ont des sources et des auteurs souvent multiples. En matière d'information internationale, le travail du journaliste consiste régulièrement à remettre en situation des images qu'il reçoit sans avoir tout le contexte communicationnel qu'elles possédaient à leur départ. À d'autres moments, au contraire, des scènes ont été provoquées par les journalistes, construites et jouées pour illustrer telle ou telle information, et le contexte du tournage manque au téléspectateur.

En principe, les images vidéo captent le singulier et l'unique qui est advenu à un moment donné devant la caméra. Pourtant les usages de l'image par le journal télévisé montrent que ce n'est pas toujours le cas. Il recourt régulièrement à un " mixte " d'images :

Les images-témoignages captent ce qui a eu lieu une fois. Par exemple, les images d'un train qui a déraillé, d'édifices qui s'effondrent, des plans d'une manifestation, d'un avion qui percute un édifice en hauteur, une conférence de presse.

Les images d'archives servent à illustrer un événement pour lequel on n'a pas d'images actuelles. Elles ont pour caractéristiques d'être actualisables et réutilisables. Ces images d'archives sont généralement utilisées avec une mention explicite dont la date n'est pas toujours précisée. Il est toutefois déjà arrivé, par exemple, qu'une chaîne française (M6, le 29/10/98) glisse, sans le signaler, un plan du film L'Étoffe des héros dans son reportage sur John Glenn.

Les images-symboles viennent quant à elles, en vertu du choix qu'on en fait, transformer l'image elle-même en commentaire. Cela peut être l'isolement d'une expression ou d'un geste particulier que pose un chef politique pour résumer le point de vue sur lequel le journaliste qui en fait le reportage veut attirer l'attention.

Le fait qu'une image soit présentée comme témoignage ne prouve pas qu'elle a été nécessairement prise sur le vif. Elle peut avoir été répétée ou, même inventée à des fins d'illustration ou d'explication. Par exemple, on peut faire rejouer à une personne un geste qu'elle aurait faite en l'absence du reporter : un ministre qui entre dans son bureau comme si de rien n'était bien que la caméra l'y attende. Ou encore, le journaliste fait jouer une scène à un chômeur qui doit faire semblant de téléphoner pour donner l'image de celui qui cherche un emploi.

De plus, certains phénomènes plus abstraits sont difficilement illustrables par des images (le chômage, l'augmentation du coût de la vie, une négociation, etc.). Cela pourra parfois servir de prétexte pour ne pas en parler ou pour en traiter sous la forme d'une simple brève. Ou encore, on cherchera des illustrations plus ou moins convaincantes : des images-prétextes viendront colmater le temps du commentaire et le visualiser tant bien que mal (plans de façades d'entreprises et de leurs différents services pour parler d'une importante transaction financière, etc.).

Aux images censées nous transformer en témoin oculaire des événements, les reportages ajoutent aussi de nombreux témoignages verbaux dont les fonctions sont diverses. La plupart de ces entrevues arrivent dans les reportages après un résumé du journaliste qui opère comme un lancement. Du point de vue informatif, le témoin n'ajoute rien à ce qu'a dit le commentaire. Il n'informe pas, il confirme. Pour le téléspectateur, cette redondance rétroagit doublement sur l'image du journaliste lui-même et de la qualité de l'information qu'il rapporte : ce dernier semble bien informé puisqu'il dit par avance ce que dit le témoin, et son discours se trouve authentifié en étant redoublé par le témoignage verbal d'un tiers. La confirmation ainsi donnée à la parole du reporter n'est pas due seulement au fait qu'il a fait ses entrevues avant d'écrire son commentaire, elle résulte souvent, à l'inverse, du fait qu'il a demandé à la personne interviewée de dire telle ou telle chose ou, du moins, qu'il a posé des questions dans un cadre défini de façon telle que les réponses étaient connues d'avance.

Enfin, la pluralité des témoins ne garantit pas la pluralité des points de vue et il faut être attentif à la vision du monde que véhiculent les entrevues. Plusieurs témoins différents peuvent dire la même chose en des termes différents et nous laisser l'impression qu'il n'y aurait pas autre chose à dire ou à entendre.

Le choix et la hiérarchisation des nouvelles du téléjournal

La durée d'un téléjournal force à ne retenir qu'un nombre limité d'informations. Quelques principes conditionnent généralement le choix d'y présenter telle information sur un événement survenu dans la réalité plutôt qu'une autre. Mieux un fait répondra à ces critères, plus il figurera en bonne place au sommaire. Voici quelques critères :

  1. Le temps et la nouveauté. Le téléjournal parle de ce qui vient d'avoir lieu hier, aujourd'hui, de ce qui va se produire demain.
  2. La grandeur du fait (quantitativement et qualitativement).
  3. La proximité géographique, culturelle ou linguistique.
  4. La simplicité des faits.
  5. L'intérêt pratique de l'information pour le téléspectateur ou la téléspectatrice.
  6. Le lien avec ce qu'on estime être l'attente du public qu'on veut rejoindre au moment de la diffusion.
  7. L'insolite.
  8. L'intérêt humain.
  9. La continuité, la suite à donner à une nouvelle.
  10. La conformité sociale : ce qui correspond à l'air du temps, aux thèmes dont tout le monde (ou presque) parle.
  11. La proéminence, les nations élites, les personnalités. On s'intéressera aux pays, aux personnalités, aux institutions sociales avec lesquelles on estime que le téléspectateur ou la téléspectatrice a plus d'affinités.
  12. La légitimité institutionnelle des personnalités.
  13. L'innocence, les grandes causes et valeurs qui font l'unanimité.
  14. La négativité. Les nouvelles tristes prennent plus de place que les informations heureuses.
  15. La disponibilité et l'existence d'images.
  16. La médiation. Pour faire endurer le spectacle de la souffrance, il faut y ajouter son remède : un médecin sans frontières, un sauveteur anonyme.
  17. L'intérêt public de l'événement.
  18. La nouveauté.
  19. La conséquence des informations transmises.

NOTE : Le texte qui précède sur le téléjournal emprunte abondamment aux textes de François Jost, Introduction à l'analyse de la télévision, Ellipses Édition, Paris, 1999, p. 75-102; d'Antoine Paulus, Langages médiatiques, Dossier pédagogique, Centre audiovisuel Liège, Liège, 2000, p. 96-111; de Florence Vanderstichelen et Muriel Hanot, " JT : L'heure de vérité ", MédiActeurs. Tout savoir sur la télé. Un outil pour les formateurs et les spectateurs, Média Animation-Medialogue, Bruxelles, 1999, p. 81.

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