LES
DIMENSIONS AFFECTIVES
DANS LES JOURNAUX TÉLÉVISÉS POUR
LES JEUNES.
LE CAS DE RDI JUNIOR
Une recherche de Marie-Claude
Coppex-Mudry
RÉSUMÉ
De nombreuses études se sont penchées sur
la télévision et les enfants, mais peu, s'il
en est, se sont intéressées à la réception
par les jeunes des drames diffusés aux informations.
Dans les sociétés occidentales, on estime
qu'être bien informé est l'une des conditions
premières pour la santé d'une démocratie.
Le citoyen, pense-t-on, peut ainsi participer aux débats
sociaux, faire preuve de jugement éclairé,
s'engager dans l'action pour faire changer le cours de certains
grands drames qui secouent la planète.
Or, après plusieurs décennies d'information
télévisée, on observe que celle-ci
ne semble pas avoir été à la hauteur
des espoirs qu'elle avait fait naître. Le spectacle
quasi quotidien de l'intolérable tendrait à
produire une " blessure de l'information " ou
un " malaise affectif " qui plongerait le téléspectateur
dans l'apathie. Toutefois, des moyens existent, selon les
chercheurs Gonnet et Tisseron, de ne pas être "
blessé " par les scènes dures de l'actualité.
Agir sur les images, apprendre la construction des messages
de l'information, pouvoir parler de ce qu'il a vu et s'engager
dans le bénévolat donneraient au téléspectateur
la possibilité de reprendre sa liberté face
aux images difficiles.
L'objectif de cette étude consiste à découvrir
les stratégies relatives aux dimensions affectives,
mises en place par RDI junior pour présenter les
nouvelles dramatiques de l'information et, à la lumière
des concepts théoriques, à étudier
si ces stratégies favorisent ou non l'intégration
dans le psychisme des émotions liées aux images
dramatiques de l'actualité.
Notre recherche s'articule en trois dispositifs : une analyse
des bulletins, des entrevues individuelles avec les jeunes
et une entrevue en profondeur avec la productrice de RDI
junior. Une grille d'analyse des bulletins visant à
découvrir les stratégies relatives aux émotions
des actualités a d'abord été établie
selon trois axes principaux : les images, les commentaires,
la corrélation entre images et commentaires. Des
entrevues individuelles ont ensuite été menées
auprès de 25 jeunes afin de découvrir si ceux-ci
percevaient les informations dramatiques en termes de "
blessures ". Une entrevue en profondeur avec la conceptrice
de RDI junior s'est finalement déroulée dans
le but de valider nos observations et de vérifier
la place qu'occupait pour elle la dimension émotionnelle
des drames relatés aux informations
.
Les résultats révèlent, dans un premier
temps, que bien que RDI junior utilise certaines mesures
visant à favoriser l'intégration des émotions
dans le psychisme, sa stratégie de base tend au contraire
à diminuer l'impact affectif des images dures de
l'information. Elle réside dans l'angle de traitement
des nouvelles adopté par RDI junior. Dans un deuxième
temps, il est apparu que, bien qu'ils manifestent un certain
malaise devant les images dures de l'information, les jeunes
ne semblent pas les percevoir en termes de " blessure
". De plus, une bonne moitié d'entre eux affirme
mieux comprendre les bulletins destinés aux adultes.
Quant à l'entrevue en profondeur avec la conceptrice
de l'émission, elle a corroboré notre analyse
des bulletins.
La discussion des résultats a mis en lumière
le fait que tout n'est pas " blessure ". Il est
donc probable que le concept de la " blessure de l'information
" doive être envisagé avec prudence lorsque
le public est constitué d'enfants. Il est également
apparu que la préparation du jeune à son rôle
de citoyen implique qu'il soit confronté aux émotions
générées par les informations à
condition qu'il bénéficie au préalable
d'une formation à la lecture des images. Pour clore
cette recherche, des actions concrètes visant à
augmenter l'efficacité d'un journal télévisé
s'adressant aux jeunes ont été proposées.
Printemps 2002
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